Par RaySoleil
Dans une de mes dernières chroniques, j’ai commencé à aborder un peu la bataille constante que les naturistes doivent mener pour être reconnus, que ce soit auprès des autorités ou de la population en général. Une bataille qui, disons-le, est loin d’être gagnée.
Les préjugés au sein de la population sont tenaces et, pour beaucoup, la nudité est strictement sexuelle ou nécessaire pour des raisons d’hygiène. Même s’il n’y a rien de plus naturel que d’être nus pour se baigner ou prendre du soleil, les gens qui, comme nous, pratiquons la nudité sociale, demeurent, aux yeux de la majorité, des marginaux. Il y a eu, dans l’histoire du naturisme au Québec, des périodes au cours desquelles une tolérance hors du commun était observée, en alternance avec des creux de vagues où le puritanisme et la pudibonderie semblaient de retour en force, faisant croire à un grand recul. Tout cela dépend sans doute du contexte, de l’époque, de l’ouverture d’esprit de nos dirigeants du moment et d’une panoplie d’autres facteurs.
Cependant, je pense que nous sommes actuellement au sein même d’un important creux de vague, au plan du naturisme. Nous avons encore, en Amérique du nord, énormément de chemin à faire pour rejoindre à peine les Européens chez qui le naturisme est bien intégré dans les mœurs. Par contre, il faut souligner qu’un peu partout dans le monde, même en Europe, on assiste à un recul de la tolérance envers les naturistes.
C’est pourquoi il ne faut pas baisser les bras. Il est important de poser des gestes visant à éviter que ce déclin ne devienne permanent et à favoriser un retour rapide du balancier. Nous devons faire preuve de persévérance et ce n’est pas en s’écrasant ou en banalisant les initiatives des autorités visant à éliminer les « tout nus » du paysage que nous réussirons à préserver le naturisme au Québec.
A cet égard, nous pouvons citer, comme exemple de persévérance, la communauté homosexuelle qui, sans relâche, a clamé son droit à l’égalité et a obtenu une certaine reconnaissance par la société, au fil des ans. Un travail de longue haleine qui a amené la société à évoluer. Les plus jeunes auront peut-être peine à croire que l’homosexualité était considérée par la médecine comme une maladie psychiatrique jusqu’en 1973, alors qu’aujourd’hui, les couples gais sont courants et peuvent vivre sereinement au Québec, même s’ils sont encore parfois victimes de discrimination par beaucoup de gens.
L’étiquette de déviance ou de perversité que l’on appose bien rapidement aux naturistes sans les connaître et sans avoir expérimenté le naturisme nous amène à croire que le volet éducatif est de première importance et que nos organisations naturistes devraient en faire une priorité.
Même si les naturistes sont conscients que leur mode de vie est mal perçu par la société en général et qu’ils sont traités injustement, plusieurs se permettent quand même de juger leur pairs et de pratiquer envers certains d’entre eux, une discrimination éhontée.
Depuis le début de la Révolution tranquille, la société québécoise a grandement évolué, de même que le concept de la famille. Des familles nombreuses des années ’40 et ’50, on est passé à trois, deux enfants et, très fréquemment maintenant, à un seul. Les unions libres et le divorce qu’on voyait très peu, il y a cinquante ans, sont maintenant monnaie courante. Les personnes qui élèvent seules leurs enfants, suite au décès ou au départ de leur conjoint ou conjointe, sont aussi très répandues, tout comme les femmes que l’on appelait jadis les filles-mères, qui étaient, à une époque, considérées comme la honte du village. D’autre part, il n’est pas rare maintenant de voir des couples se former, dont les conjoints ont des enfants d’unions précédentes, alors que tout le monde se côtoie et vit ensemble. D’autre part, au Québec, le mariage entre conjoints de même sexe est reconnu depuis 2004 et certains ont décidé de fonder une famille et d’élever des enfants.
Il y a aussi de plus en plus de gens qui vivent seuls, soit par choix ou par un concours de circonstances. Notre société est diversifiée, multiculturelle et elle a dû s’adapter à toutes ces réalités. Mais les naturistes ont-ils suivi le mouvement?
Malheureusement, de ce côté, on semble être resté accroché à une époque révolue, à un concept de la famille traditionnelle, soit un papa, une maman et deux enfants, ce qui ne correspond plus nécessairement à la réalité. Ceux et celles qui s’écartent de ce modèle, supposément parfait, sont relégués à un second rang; ils sont considérés comme des naturistes de catégorie « C », qu’on ne souhaite pas vraiment côtoyer.
Le naturisme est pourtant basé sur le respect de soi-même, des autres et de l’environnement, une philosophie d’ouverture à l’autre, de respect et d’entraide. La contribution de ces personnes à la vie naturiste est-elle moins importante, moins pertinente pour la seule raison que leur situation de vie est différente? Quand une personne respecte l’éthique naturiste, qu’elle a un comportement adéquat, je pense qu’elle a droit, comme tout le monde, à accéder aux lieux permettant de pratiquer le naturisme. Nous devrions vivre, comme naturistes, de la même façon que nous le faisons en société, avec les mêmes règles et les mêmes valeurs. Quand je suis nu et que je suis en compagnie d’autres personnes, je ne suis pas devant un homme, une femme, un enfant, un vieillard, je suis devant un NATURISTE.
Un jour, j’ai entendu quelqu’un dire : « les hommes seuls sont des nudistes qui aiment être nus, alors que ma conjointe et moi sommes de vrais naturistes, car nous savons ce que c’est de vivre nus ». Même si j’ai du respect pour la personne qui tenait ces propos, je pense qu’elle démontre de l’étroitesse d’esprit et surtout qu’elle manque de vision d’avenir. Il faudrait aussi qu’elle réfléchisse au sens de la vie, car on peut se retrouver seul du jour au lendemain, quand la maladie ou la mort frappe, qu’une séparation arrive. La personne qui perd l’être aimé devient-elle par le fait même une mauvaise naturiste? Si son adhésion au mode de vie naturiste ne tient qu’au seul fait d’être en couple, alors ça ne tient évidemment pas à grand-chose, à mon avis. Il est toujours désolant de constater que même aujourd’hui, beaucoup de personnes seules, hommes ou femmes, soient parfois refoulées dans certains centres naturistes pour la seule raison qu’elles sont seules.
J’ai toujours cru que les naturistes avaient une longueur d’avance sur le reste de la société, une pensée davantage évoluée, une ouverture d’esprit exceptionnelle. Je dois me rendre à l’évidence et admettre que ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde.
Malgré tout, les naturistes sont tous dans le même bateau face à la reconnaissance de leur mode de vie, même si certains devront travailler encore plus fort pour l’obtenir. L’important est de ne pas abandonner : continuons le combat!


