Témoignage de Michel M.
Depuis près d’un quart de siècle, je vis nu à la maison (j’habite Québec), 24 heures sur 24, et je n’envisage pas la vie autrement. Il faut dire que je vis seul, ce qui facilite grandement les choses (c’est néanmoins possible de le faire en couple et avec ses enfants, mais d’aucuns diront que ce n’est pas gagné d’avance).
J’ai commencé à dormir nu à l’âge de 13 ans, par fantasme (nombreux à cet âge) et par défi (la soudaine et totale liberté du corps me tenant éveillé de longues minutes, voire quelques heures). Mais, comme je suis d’un naturel opiniâtre, j’ai persisté et j’ai fini par trouver le sommeil (!), au point où, aujourd’hui, même en visite chez des amis, il ne me viendrait pas à l’idée de revêtir un pyjama ou une chemise de nuit! Mais, pour aller travailler cependant, il me fallait me résigner à revêtir quelques hardes…
Un bon samedi matin, toutefois, durant la saison des impôts, me voici attablé avec tous mes reçus et « T4 » étalés devant moi, prêt à entreprendre la fastidieuse mais nécessaire tâche de faire mes rapports d’impôts, alors qu’une question me traverse soudain d’esprit : qu’est-ce que je fais, habillé, un jour où je ne travaille pas et où je n’attends personne? C’est alors que j’ai décidé, sur le champ, de me débarrasser du dernier lien qui me reliait au monde des « textiles ». C’était il y a vingt et quelques années et je ne me suis jamais rhabillé depuis!
Mais, comment, me direz-vous, peut-on faire la vaisselle, le ménage, la cuisine, le lavage, jardiner, effectuer les réparations courantes, passer la tondeuse, etc., en tenue de peau? Je crois bien qu’il n’y a qu’une seule façon de le savoir, c’est de le faire! En cuisinant ou en bricolant, après tout, il n’est pas interdit de passer un tablier de travail. Mais, n’est-ce pas gênant de sentir ses bijoux de famille ballotter au moindre mouvement? Au début, oui, mais, très vite on oublie qu’on est nu et on en vient à considérer notre peau comme un vêtement comme un autre! Bien sûr, je passe toujours un peignoir pour répondre à la porte et un short et une chemisette pour travailler sur la portion du terrain qui est exposée à la vue des voisins ou des passants, car, il est une règle d’or que je ne transgresserais pour rien au monde : si moi, j’ai choisi de vivre nu, j’ai aussi choisi de ne pas imposer ma nudité à ceux qui ne l’ont pas sollicitée!
Puis, un jour, je suis allé en vacances aux Îles-de-la-Madeleine et là, ma nudité s’est exprimée au grand jour! Avec ses kilomètres de plages désertes, « les Îles », comme on aime à les appeler familièrement, sont l’endroit idéal pour s’initier au naturisme. L’occasion était trop belle : tomber le maillot pour offrir mon corps aux chauds rayons du soleil et aux vagues tièdes du Golfe Saint-Laurent : le pied! De retour à la maison, il n’était pas question de remettre un maillot, mais alors où aller?
En cherchant un peu, j’ai découvert que des activités naturistes publiques étaient organisées à Montréal et à Ottawa. Au diable la distance, j’ai commencé à les fréquenter assidûment. Puis, l’été venu, j’ai découvert les plages d’Oka, de la rivière Palmer et de Cap-aux-Oies.
Peu de temps après, j’ai osé pointer mon nez (et le reste) au centre naturiste et écologique La Pommerie et là, ce fut la révélation : je pouvais être nu, 24 heures sur 24, avec des couples, des personnes seules, des enfants, des jeunes, des vieux, qui avaient choisi, comme moi, de vivre sans entraves et qui se foutaient pas mal de mes kilos en trop et de toutes mes imperfections, parce qu’ils offraient les leurs à la vue des autres le plus naturellement du monde. Comme j’ai aimé les naturistes à ce moment-là!
Mais, après un certain temps, un peu las de devoir toujours prendre la route pour vivre mon naturisme et m’étant cogné le nez sur la porte de certains centres naturistes, parce qu’étant un homme seul et n’ayant pas le goût de me « louer » une conjointe d’un jour pour y avoir accès, j’ai commencé à me dire que ce serait pas mal si, à l’instar des grandes villes nord-américaines et européennes, il y avait des activités naturistes régulières dans ma « bonne ville de Québec »!
C’est alors qu’aidé par mon ami René, alors secrétaire de la Fédération québécoise de naturisme, j’ai obtenu la liste des membres de la Fédération du territoire de la zone postale « G » et j’ai entrepris de contacter ceux de la région de Québec et de les inviter à un café-dessert nu à la maison. Les personnes présentes ont alors décidé de convoquer tous les naturistes de Québec et des environs de la liste à une assemblée publique dans un restaurant de la capitale, au cours de laquelle fut fondé le Groupe naturiste de Québec. Quel bonheur de pouvoir enfin participer à des activités naturistes, ici même, à Québec, en toute inclusivité!
Puis, en bon snowbird, j’ai découvert la Mecque des naturistes québécois : Cayo Largo (Cuba), qui occupera toujours dans mon cœur une place de choix! J’ai profité ensuite, seul ou avec des ami(e)s, de mes voyages au Canada anglais, aux États-Unis, dans les Antilles et en Europe pour pratiquer tout naturellement le naturisme avec mes semblables.
Si vivre nu, pour moi, est un choix parfaitement assumé, qui m’a permis de découvrir le bien-être du corps libéré de toute entrave et offert aux éléments naturels que sont l’air, l’eau, le soleil et la nature environnante, partager ma nudité avec mes semblables m’a libéré de mes complexes et m’a réconcilié avec mon corps, tout imparfait soit-il. On associe généralement le naturisme au camping et au plein-air, mais, pour moi, naturisme rime aussi avec bien-être et santé. Je crois qu’on aurait avantage à associer ces concepts au naturisme pour en faire la promotion.
Alors, vivre nu, pourquoi pas? Essayez pour voir!


